Le diktat du dépassement de soi
Depuis la fin de mon activité de freelance à temps plein, j’ai réellement pris conscience de l’instabilité de notre situation professionnelle. Alors que la génération de nos grands-parents (et en partie de nos parents) suivait encore le modèle classique d’un emploi à vie (la même entreprise pendant plus de 30 ans), la nouvelle génération fait fasse à une situation économique qui la pousse à parfois devoir se réinventer. Cela a ses avantages : moins de routine, de nouveaux challenges et de nouvelles opportunités. Mais n’oublions pas les inconvénients : une incertitude quasi permanente, une situation financière instable et l’obligation de se soumettre au diktat du dépassement de soi (mobilité, heures supplémentaires, accumulation de compétences diverses et variées). Installée depuis quatre ans à Barcelone, le bilan est bien pire que dans d’autres pays euorpéen.
L’Espagne, pays des cadres sous-payés
En Espagne, la situation de l’emploi est sinistre. Les offres d’emplois font deux pages, listent une ribambelles de pré-requis : quadrilingue, master, expérience à l’étranger, plusieurs années d’expérience dans un poste similaire, des références à gogo, une maitrise parfaite d’une dizaine de logiciels informatiques, une volonté de se surpasser en permanence et de donner le meilleur de soi – et bien sûr la fameuse envie de travailler dans un environnement international, moderne et jeune. Le petit plus : café et fruits à volonté et une table de babyfoot. Et le salaire dans tout cela ? N’en parlons pas, ce n’est qu’un détail dérisoire. Pour un poste de chef de projet de traduction, le postulant peut aspirer à la modique somme de 19K annuels. De quoi de payer le loyer, les courses, mais sûrement pas les prochaines vacances ou l’abonnement à la salle de sport.
(Sur)-Vivre en 2019
Quel bonheur de vous retrouver via le blog, Facebook et les emails ! Chaque mot m’a touché, chaque petite remarque encouragée, chaque retour de votre part ému. Merci beaucoup, vous m’aviez manqué ! Et c’est grâce à vous que ce blog va continuer à vivre. Car j’ai l’intention de parler de vous. Ah bon ? Ah oui, de vous ! Ces prochaines semaines, je voudrais lancer une nouvelle série de portraits. Que vous soyez freelance, ex-freelance ou futur freelance, j’ai envie de parler de vous et de votre parcours professionnel. Travailler en 2019, c’est quoi ? Quelles sont vos motivations, vos ambitions et vos priorités ? Et pour ceux qui sont à leur compte, c’est l’occasion de présenter vos compétences et votre travail à la communauté de Nomad’s Heart – et nous raconter votre vision du travail moderne.
Alors oui, je pourrais rentrer en France ou en Allemagne, tenter ma chance en Angleterre ou ailleurs, mais je me sens bien à Barcelone. J’ai la chance de vivre près de la mer, de jouir d’une météo fantastique, d’avoir des amis et un joli appartement. La recherche d’emploi est finalement l’une des seules ombres au tableau, car les offres ne manquent pas. Ce sont les salaires décents qui font défaut. Vivre à Barcelone est moins cher que vivre à Paris. Néanmoins, une chambre en colocation (avec une fenêtre et un lit double, pas un cagibi !) avoisine depuis deux ou trois ans les 500-550 € malgré un salaire minimum national de 1050€ bruts. Le calcul est vite fait : les salaires ne tiennent pas la route en Catalogne – à moins d’avoir la chance d’être expatrié ou embauché dans un domaine lucratif par une entreprise internationale. Et encore ! Le premier salaire à l’embauche chez certaines entreprises de consulting renommées ne dépassent pas les 16 K annuels (pour un temps plein !).
Pour ma part, j’ai choisi de m’intéresser de plus près au minimalisme dont je vous parlerai dans un prochaine article. Car peut-être que la maladie de ce siècle peut être guérie par nos propres soins. Au lieu de toujours vouloir plus, peut-être suffit-il de nécessiter moins (et donc de dépenser moins). Affaire à suivre…
PS : Pour ce qui ont envie de témoigner sur le blog (à visage ouvert ou anonymement), veuillez m’envoyer un email à info.nomadsheart@gmail.com en présentant votre situation professionnelle actuelle et le focus sur lequel vous désirez insister (ex : reconversion professionnelle, obligation d’avoir un job alimentaire, lancement d’une activité en freelance…).
Photos © Vera Lair tous droits réservés
Coucou Anissa
Contente, contentissima de lire de tes nouvelles.
Ce que tu partages a une grande valeur, tu mets le doigt sur un grand changement de mentalité et une exigence du monde du travail qui, je trouve, porte difficilement à l’épanouissement personnel.
J’ai vécu la fin de mes missions de freelance comme un échec. Tout ce temps passé à prospecter, peaufiner les offres. Cette liberté qui était aussi une responsabilitè trop lourde pour moi. Je suis aujourd’hui salariée et j’aime la légèreté de pouvoir passer tout simplement un weekend avec ma famille sans m’inquiéter des factures.
C’est nul, banal, « petit »? Je crois que c’est tout simplement honnete et courageux. Apprendre à se connaitre. Et puis rien ne dure. On verra bien dans dix ans.
Bonne route à toi, prends soin de toi et hate de lire les portraits sur ton blog
Aurélie
Je suis minimaliste et c’est la seule façon que j’ai de m’en sortir donc je comprends ton point, mais attention: après plusieurs années ça devient pesant. Le minimalisme n’est pas la solution à long terme aux problèmes des salaires insuffisants. Oui le bonheur ne se trouve pas dans les objets ou dans les voyages luxueux, mais pouvoir vivre décemment, ne pas travailler 50h par semaine et devoir compter pour savoir si oui ou non on peut se payer une paire de chaussettes, ce n’est pas du luxe ou un caprice, c’est un réel problème, une réelle anxiété. Et plus ça va, plus je pense qu’au lieu de chercher des solutions pour/en soi-même, à un moment donné il faut aussi qu’on se batte ensemble pour faire valoir nos droits.
J’ai lu un article (dont je n’arrive malheureusement pas à remettre la main dessus, mais cette page dit globalement la même chose: https://www.revenudebase.info/2015/09/14/robots-emploi-reve-americain/) qui parlait des robots. La technologie a éliminé les besoins en main d’œuvre, il n’y a concrètement pas assez de jobs pour tout le monde et ce n’est pas fait pour s’arranger, donc il faut repenser le travail complètement et la répartition des richesses.
Au final ça se rejoint avec le début de ton article, il y a des décennies avoir un job qui payait les factures était déjà suffisant en soi, de nos jours il faudrait s’épanouir au travail, se dépasser mais se battre pour survivre avec un salaire minimal. Je pense que c’est d’ailleurs un point qui pousse les boîtes à payer un salaire de misère leurs employés « oui tu ne gagnes pas suffisamment mais regarde tu fais un job cool, où tu te dépasses, ça devrait être ta récompense » Quand je lis les offres d’emploi, je me méfie toujours des boîtes qui mettent beaucoup trop en avant la corbeille de fruits et le babyfoot. Un peu comme pour les artistes rémunérés en visibilité, je ne peux pas payer mon loyer en bananes!
J’ai hâte de lire ces portraits en tout cas !
Bel article ! Et complètement d’accord avec ta conclusion, vivre avec moins permet de se satisfaire de moins d’argent et d’être libéré de cette course au toujours plus au travail. Mon conjoint vient de se lancer en tant que free-lance, car il voulait se dégager du temps pour ses arts après que son 1er roman est été publié. Je l’admire de s’être lancé et crois beaucoup en lui ! Je vais voir s’il souhaiterait témoigner 🙂 pour ma part ce qui pourrait m’attirer dans le statut de freelance ce serait de travailler presque d’où je veux (dans mon cocon d’appartement) et à un rythme répondant à mes besoin. Mais mon activité actuelle ne se prête pas tellement au freelance. Je trouve parfois un certain confort au salariat, dans le fait de rentrer chez soi et n’avoir pas à penser au travail. Pourtant je me rêve souvent ailleurs et autrement..!