Alors que je suis confortablement assise dans un train pour Óbidos, un petit village à deux heures de Lisbonne, les paysages verdoyants défilent sous mes yeux. Après avoir passé deux merveilleuses journées à Sintra, je prends conscience de l’immense chance que j’ai eu de pouvoir m’installer au Portugal. Terre accueillante et chaleureuse, je n’aurais pas pu rêver mieux pour un nouveau départ. Faisant désormais confiance à mon intuition, j’avais tout de suite pressenti que ce pays allait marquer un tournant important dans ma vie.

Tandis que Paris marquait le début de mon voyage initiatique – les études, les premiers émois amoureux et les déceptions qui s’ensuivent, les expériences professionnelles plus ou moins concluantes – Barcelone semblait être la suite logique de ce parcours. Une certaine douceur de vivre, la chaleur enveloppante d’une météo au beau fixe et la joie de vivre si typique des pays sudistes. Cinq ans à vivre au rythme effréné des nouvelles aventures – l’apprentissage d’une nouvelle langue, d’une culture si différente des miennes, les rencontres amicales et sensuelles, cette folle envie de vivre chaque instant comme s’il fût le dernier. S’approcher tel Icare trop près du soleil, se brûler les ailes à petit feu. Je pensais pourtant pouvoir m’enraciner dans le sol de ma nouvelle patrie. Mes pieds souvent foulaient la terre humide de mon potager où fleurissaient mes semences tandis que lentement se fanaient mon envie d’y récolter un futur. Déçue de ne pas avoir su, pu ou voulu y construire ma vie rêvée, il me fallait plier bagage pour voguer, encore et toujours vers, de nouveaux horizons.

Plongée dans une profonde crise identitaire, puis ayant fait une entrée peu fracassante dans la trentaine, j’étais désormais une SDF (sans destinée fixe). Petit Chaperon rouge des temps modernes, je m’étais éloignée du (droit ?) chemin pour aller cueillir les fruits que j’ignorais être toxiques. J’avais tenté d’apprivoiser le loup qui sommeillait non pas dans le sous-bois, mais en moi. En vain. Pendant quelques mois, j’errais dans une dense forêt, sombre, interminable et angoissante. Il m’était difficile de distinguer le jour de la nuit, tant mes pensées étouffaient les faibles rayons de lumière hivernale. Il m’a fallu marcher ainsi longtemps, avec mon baluchon sur les épaules, pour retrouver la route qui allait me guider vers moi-même.
Puis, la vie m’a tendu la main une nouvelle fois et je me suis laissé guider par ma destinée. J’ai saisi ma chance comme l’on cueille un fruit qui semblait n’avoir poussé qu’afin d’être cueilli par vos mains gourmandes et hésitantes à la fois – et dont le jus sucré, divin rappelait l’élixir des dieux.

J’ai défait mon baluchon il y a 18 mois, l’équivalent deux grossesses, le temps qu’il m’aura fallu pour donner naissance à mon moi le plus profond. Une gestation souvent douloureuse, parfois frustrante et pourtant si vitale.
Je continue mon activité en indépendante (et ça marche si bien !), je vis un amour fou comme j’en avais toujours rêvé et je partage ma vie et mes rires avec mes amis, anciens et nouveaux. Et, après avoir longtemps délaissé ma caméra, la photographie a su s’imposer comme une évidence dans ce nouveau pan de mon aventure humaine. La preuve en image d’un souffle de vie retrouvé.



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